Login

Changement climatique Quel avenir pour l'élevage bovin dans une agriculture décarbonée ?

Créateur du bilan carbone au sein de l’Ademe, personnalité influente sur les enjeux climatiques et énergétiques, Jean-Marc Jancovici a réfléchi, à travers son association The Shift project, à un plan de transformation de l’économie française, un programme qui doit permettre à la France d’atteindre ses objectifs en matière de neutralité carbone. Pour le secteur agricole, il s’agit avant tout de réduire la production animale, en diminuant de façon significative le cheptel bovin.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

L'agriculture représente 19 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), et 75 % de ces émissions sont liées à l'élevage. Pour les réduire et atteindre la neutralité carbone, le plan de transformation de l’économie française propose de transformer l’offre alimentaire et les habitudes de consommation, et prévoit « une forte diminution sur 30 ans de la consommation de produits d’origine animale ».

« Aujourd’hui une large partie de la production agricole est dévolue à la production d’animaux de manière directe, ou indirecte via l’alimentation animale, explique Jean-Marc Jancovici dans une interview donnée à Terre-net. Ainsi, en France, entre 70 et 80 % de la SAU est destinée à l’alimentation animale. Or, on se place dans un contexte dans lequel le changement climatique et la pression sur l’approvisionnement énergétique vont faire baisser les rendements des cultures et dans lequel, pour diminuer la dépendance avale au pétrole, on déspécialise les régions agricoles. Il ne faut pas oublier que ce qui a permis de spécialiser les régions agricoles, ce sont les transports avals. En effet, ce n’est pas très grave d’avoir les céréales à un endroit, les animaux à un autre et les consommateurs encore ailleurs à partir du moment où il y a des camions qui permettent de faire le lien. Dès que l’on a beaucoup moins d’énergie pour les transports, on doit revoir l’organisation et revenir peu ou prou à la polyculture élevage. On se dirige donc vers des bassins partiellement « déspecialisés », sortant d’un optimum par ailleurs sous perfusion de la mécanisation, des engrais, et de phytosanitaires qui sont, là encore, de l’énergie.

Retrouvez en vidéo les explications de Jean-Marc Jancovici concernant la nécessaire réduction du cheptel bovin, en vue d'atteindre la neutralité carbone :

Réduire les surfaces utilisées par l’agriculture

Par ailleurs, « les surfaces agricoles sont aujourd’hui en concurrence avec d’autres usages du sol comme l’énergie, notamment le bois énergie : quand on regarde aujourd’hui la quantité de bois nécessaire pour faire beaucoup moins d’acier béton, qui sont des méthodes très intensives en énergie, on aura besoin de grandes surfaces forestières. Les surfaces agricoles sont également en concurrence d’usage avec la biodiversité, et toutes ces concurrences d‘usage vont faire qu’on n’aura pas des surfaces agricoles extensibles pour compenser la baisse des rendements », explique Jean-Marc Jancovici.

Dans le nouveau régime alimentaire proposé par the Shift Project, les surfaces agricoles nécessaires à l’alimentation seraient inférieures aux surfaces actuelles, passant de 26,5 millions d’hectares à 11,4 millions d’hectares. Ainsi, l’empreinte surface de l’assiette moyenne passerait de 3 950 m2 par habitant à 1 700 m2 par habitant. Une libération des terres qui permet de «  s’accommoder de rendements moins élevés, de généraliser la présence d’engrais verts dans les assolements, de renforcer les infrastructures paysagères, et de relâcher la pression exercée sur les terres dans d’autres régions du monde », indique le projet.

Préserver l’élevage herbager et garantir une rémunération

Pour autant, la réduction des cheptels ne signifie pas la disparition des éleveurs et des paysages associés à certaines pratiques. Le plan de transformation de l’économie française vise à « renforcer les systèmes d’élevage résilients » en favorisant notamment l’autonomie fourragère. Néanmoins, l’ensemble des élevages bovins devraient réduire leur cheptel, accompagnés par des mesures de soutien économique. La transformation, pour capter de la valeur ajoutée, est également un levier important d’évolution vers plus de durabilité.

A noter que la problématique est plus complexe pour l’élevage de monogastriques : si leurs émissions de GES sont plus faibles, la concurrence de l’alimentation des porcs et volailles est beaucoup plus importante vis-à-vis de l’alimentation humaine que l’alimentation des bovins. « la transition de systèmes aujourd’hui très industrialisés, intensifs en capitaux, et intégrés au sein de filières longues reste à imaginer et à accompagner », précise le PTEF.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement